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Le socle commun, la polyvalence et la réconciliation entre les différences, les bases du vivant dans l’équipe. - Fabienne Cottret

Récits d'accompagnements

Le socle commun, la polyvalence et la réconciliation entre les différences, les bases du vivant dans l’équipe.

Interview de Ludovic de Beaurepaire, fondateur de SOCLEO

Ludovic, peux-tu m’en dire plus sur SOCLEO et ton interprétation du « management vivant » ?

Mon approche de management n’est pas un projet réfléchi et prévu à l’avance. C’est plutôt lié à mes failles personnelles. Je suis ingénieur informaticien à la base, et j’ai créé SOCLEO qui est un outil pour la professionnalisation des circuits courts. Ce qui m’anime, c’est de faire en sorte que des petits acteurs de la production agricole, puissent être polyvalents et commercialisent leurs produits en direct, sans avoir besoin de gros acteurs qui voudraient les asservir. L’idée est de permettre la multiplication de petites productions solides et polyvalentes. Les producteurs avec lesquels nous travaillons acquièrent la capacité à distribuer efficacement. Ce sont plutôt des acteurs en développement.

Je fais le parallèle avec nous : en tant qu’individu, je pense que j’ai la capacité de créer et de produire quelque chose et de le développer, tout comme eux. Cela me demande d’avoir aussi une approche économique et sociale. Je ne suis pas spécialement formé au management et je prends la polyvalence comme un socle fort. Je cherche aussi à ce que la prise de décision soit horizontale.

Comment ça se traduit chez SOCLEO ? Nous sommes 15 dans la société. La moitié de l’équipe réalise de l’accompagnement client. Cette activité est collégiale au maximum. La façon dont j’ai organisé cela : tous les profils qui ne sont pas des profils techniques (plutôt en R&D chez nous), ont tous la moitié de leur temps de travail  en accompagnement client. Concrètement, ils passent 1 journée par semaine sur de l’assistance aux clients, et 1 autre journée sur de l’accompagnement de nouveaux clients sur l’utilisation du logiciel. Soit près d’un mi-temps chacun sur un socle commun à tous les chargés de clients : cela donne une autre vision pour les prospects et nouveaux clients, c’est rassurant.

Le reste du temps est beaucoup plus varié, répartis sur des fonctions bien spécifiques à chacun. Moralité : une même fonction peut être gérée par plusieurs personnes différentes. Ce n’est pas classique du tout. Dans les autres entreprises, une personne occupe un poste précis, comme si cela était une condition sine qua non pour grandir.

Nous adoptons le culte de la polyvalence avec la conviction que tout le monde peut être polyvalent. Et nos clients portent la même intention : être à l’image de nos clients, vivre la même chose qu’eux.

 

Et si on applique le terme « vivant » à l’écosystème humain : qu’est-ce qui est vivant dans votre équipe pour développer ce projet ?

Ce que cela apporte, c’est une équipe soudée et solidaire. Cela vient essentiellement, selon moi, du fait que l’équipe a un socle commun. Il n’y a pas d’enjeu à aller regarder ce que les autres font de bien, de mieux, de moins bien. On peut se projeter plus rapidement sur un projet commun. On part des mêmes sujets partagés, on partage le même vocabulaire, cela fait gagner du temps. On peut se développer et échanger facilement.

L’autre chose qui fait une équipe vivante, au-delà du socle commun, c’est d’accepter la différence chez les autres.

 

Et pour toi, une « équipe fanée », ce serait quoi ? Quel est le principal obstacle au maintien du vivant dans l’équipe ?

Les sujets corrosifs viennent souvent du regard porté sur la différence de l’autre, la comparaison. La complexité, s’il y a des différences, par exemple sur les salaires et la grille salariale, c’est d’aider à comprendre que ce n’est pas que des jeux de négociations, mais qu’il y a un cadre précis.

Parmi les sujets corrosifs, il y a aussi la gestion du changement et les erreurs de communication. C’est important d’accorder de la place à celles-ci et ne pas les minimiser, corriger le tir rapidement.

Ce qui casse la dynamique dans tout cela, c’est souvent la gestion de l’émotionnel, les réactions à chaud aussi. Nous nous appliquons la « règles des 24h » : revenir sur ce qui s’est passé en ayant pris 24h de recul entre les deux.

Quelle est la source de l’abondance, au sens « la production abondante » chez SOCLEO et comment la partagez-vous ? Quelle est pour toi la production d’une équipe vivante ?

D’abord, nos valeurs sont la Solidité (le sol), l’Evolutivité (la croissance, l’agilité) et la Convivialité (entre nous et avec les autres, avec nos clients).

A quoi on mesure notre réussite, notre valeur ? SOCLEO n’est pas le sujet, c’est un projet. Le sujet, c’est de mesurer l’impact que l’on a pour nos clients, l’impact qu’on a sur la société et celui qu’on a via nos clients sur la société en général.

Au départ, le projet était associatif de 2006 à 2011. Je l’ai poursuivi en tant qu’indépendant de 2011 à 2014, puis sont venues les embauches à la suite sous forme de TPE. Dans ce projet, l’entreprise n’est pas le sujet : qu’on soit 10 ou 50 dans 10 ans, me va très bien. Ce n’est pas la croissance qui est intéressante.

Mon travail est intéressant pour l’impact qu’on a là où on est, où on agit, les services que l’on rend et comment ça fait bouger les choses. Il y a des aspects quantitatifs (nombre de clients) et aussi qualitatifs (le service que l’on rend, les retours que l’on a et ce que l’on apporte).

La partage de l’abondance, ce serait pour nous une grille salariale claire et partagée, des offres acceptables et accessibles pour nos clients, et adapter la dimension de la structure en fonction de nos revenus (et non l’inverse). Nous sommes assez orignaux dans l’univers des startups car il n’y a pas de financeur chez nous, pas de prêt : on est à l’équilibre depuis le début et l’entreprise s’adapte en permanence aux phases de son développement. L’entreprise est elle-même très vivante.

Enfin, accepter le développement économique n’est pas antinomique avec la recherche d’impact environnemental et social. Ce n’est pas incompatible. En faisant le parallèle avec les producteurs qu’on accompagne : je suis pour les producteurs qui vont livrer en GMS et pas seulement qui développe les circuits courts. C’est important de ne pas faire de la croissance pour la croissance, mais c’est tout aussi important de ne pas refuser la croissance.

Un autre volet se trouve dans la partie R&D : 1/3 du temps R&D est orienté sur l’évolution du logiciel, en permanence, pour qu’il reste toujours « vivant », prêt à évoluer pour anticiper des changements plutôt que d’accumuler de la dette technique et de devoir mettre le logiciel à la poubelle au bout d’un moment, et recommencer.

Enfin, j’attache une grande importance à soigner les rapports et les relations : les rapports avec nos clients sont conviviaux et très égalitaires, une grande attention est portée à ne pas faire de différence entre « cols bleus et cols blancs » si on peut dire. On évacue ce « sujet de la différence » que certains peuvent penser établi, entre des personnes qui ne se parlent pas (l’agriculture et la tech) et qui peuvent avoir du mal à se réconcilier. C’est une réconciliation entre ruraux et citadins aussi, il n’y a aucune bonne raison qui fait que quelqu’un qui a une vraie réticence à la nouveauté, à l’utilisation de logiciel, n’y arrive pas selon nous : c’est tout à fait notre rôle de faciliter cette appropriation des outils digitaux. Il faut de tout pour faire un monde et cette diversité des cultures et des parcours est importante. La différence ne nous freine pas et au contraire, nous enrichit.

La réconciliation entre des mondes différents est quelque chose de très ancré pour moi : j’y porte attention et je ne la vois quasiment plus, je n’en fais pas un sujet donc elle disparaît.

Merci Ludovic pour tes réponses et tes éclairages !

En savoir plus sur le projet FEVE  : https://www.socleo.fr/